Le 10 octobre 2019, lors du 4ème Forum Régional de l'Union pour la Méditerranée, ont été présentés les premiers résultats d'un travail interdisciplinaire sur les conséquences régionales du réchauffement climatique dans le bassin méditerranéen.
Le réseau MedECC (Mediterranean Experts on Climate and Environmental Change) est un réseau regroupant 80 scientifiques réunis à l’initiative de l’Union pour la Méditerranée, organisation intergouvernementale réunissant 43 pays dont les 28 États membres de l’UE.
Les scientifiques ont fait un travail de synthèse des connaissances actuelles sur les conséquences régionales du réchauffement climatique sur le bassin méditerranéen. Les résultats étant alarmistes, une première conclusion a été présentée aux décideurs politiques.
La synthèse est téléchargeable sur le site du Plan Bleu ou en fin d'article.
Nous vous présentons un résumé de l’étude.
Les éléments clés du changement climatique dans le bassin méditerranéen
- augmentation des températures, autour du bassin méditerranéen, plus rapide que dans le reste du monde,
- précipitations:
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- augmentation des épisodes de pluies diluviennes
- augmentation des sécheresses extrêmes en intensité et fréquence, par baisse des précipitations, augmentation de la température (et donc augmentation de l’évapotranspiration)
- hausse de la température de la mer
- élévation du niveau de la mer (entre 52 et 190 cm à l’horizon 2100 selon les scenarii)
- acidification de la mer
Les impacts prévisibles du changement climatique et les aléas associés
Ressources en eau
- baisse de la disponibilité en eau douce, pour trois raisons : baisse des précipitations, hausse des températures, croissance démographique
- diminution de 15% de la disponibilité en eau douce, entrainant de graves contraintes pour l’agriculture et l’utilisation par l’Homme dans une région déjà touchée par la pénurie d’eau : état de pénurie sur toute la rive sud de la Méditerranée
" La population méditerranéenne considérée comme « pauvre en eau »
(c’est-à-dire disposant de moins de 1000 m3 par habitant et par an)
devrait passer de 180 millions en 2013
à plus de 250 millions dans les 20 prochaines années "
- baisse des ressources aquatiques souterraines, en quantité (surexploitation) et en qualité (pollution industrielle et urbaine, salinisation)
- exacerbation de la pénurie du fait de l'augmentation des besoins pour la croissance démographique et l'irrigation agricole
Ressources alimentaires
- baisse des rendements agricoles du fait des aléas climatiques (sécheresses, canicules, fortes pluies), des nouveaux pathogènes, de la dégradation des sols
- 90% des stocks des espèces piscicoles commerciales sont en état de surpêche : la hausse de la température de la mer et l'acidification pourraient être fatales pour de nombreuses espèces (20% pourraient disparaitre en 2040 et 2059)
écosystèmes
- polytraumatisme des écosystèmes marins (acidification et réchauffement de l’eau de mer) et terrestres : perte de biodiversité, perte de zones humides côtières et intérieures, dégradation des forêts, augmentation des incendies, arrivée de nouveaux prédateurs et parasites…
- écosystèmes terrestres:
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- hausse généralisée de l’aridité et par conséquent de la désertification de plusieurs écosystèmes terrestres (Europe du sud, Maghreb, Moyen Orient)
- vulnérabilité de la forêt:
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- signes de déclin constatés sur de nombreuses espèces forestières (baisse de productivité, hausse du taux de mortalité et de défoliation)
- augmentation des incendies (sécheresse)
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- avancée de la phénologie printanière: risque de découplage des relations plantes/pollinisateurs, sensibilité au gel...
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- écosystèmes marins:
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- perte de biodiversité: disparition d'espèces endémiques ne pouvant migrer, arrivée de nouvelles espèces d'eaux chaudes
- l'acidification de la mer a un effet délétère sur les organismes pélagiques et benthiques possédant un squelette ou coquille en calcaire (coraux, mollusques...)
- perturbation du réseau trophique et diminution du poids moyens des espèces pêchées
- écosystèmes côtiers:
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- écosystèmes déjà soumis à de fortes pressions urbaines et industrielles générant artificialisation des sols et pollutions
- risque accru d'érosion des côtes provoquée par l’élévation du niveau de la mer, les évènements climatiques extrêmes, le ralentissement de la sédimentation, l’infiltration d’eau de mer dans les aquifères côtiers et la dégradation de certains habitats
- écosystèmes et zones humides d'eau douce:
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- assèchement des zones humides du fait de la baisse des précipitations et de l'augmentation de l'évapotranspiration
- artificialisation des zones humides pour lutter contre les inondations
Santé humaine
- augmentation de la mortalité des personnes les plus sensibles due aux vagues de chaleur plus fréquentes
- insécurité sanitaire du fait de l’arrivée de nouveaux parasites et virus conjuguée à la dégradation des conditions de vie (canicule, pénurie en eau)
- effets indirects sur la santé liés à la dégradation de la qualité de l’air, des sols et de l’eau qui impacte la production et la qualité alimentaire
Sécurité humaine
- l'élévation du niveau marin concerne 1/3 de la population (soit environ 150 millions de personnes) et environ 15 métropoles (villes portuaires d’une population supérieure à 1 million d’habitants en 2005)
- accroissement des fréquences des aléas climatiques (inondations, tempêtes, incendies)
- 37 sites (sur 45) du patrimoine mondial de l’Unesco situés dans les zones côtières de la Méditerranée sont exposés à des risques de crue et 42 à des risque d’érosion suite à une élévation du niveau de la mer
- salinisation des ressources d'eaux souterraines
- diminution de la sécurité alimentaire des populations humaines
- le changement climatique provoque une baisse des ressources naturelles et économiques disponibles et contribue donc au durcissement des conflits, générant instabilité sociale, flux migratoires, mortalité
En conclusion
Cette étude préliminaire a été présentée lors du 4ème Forum Régional de l'Union pour la Méditerranée (Barcelonne, le 10/10/2019).
Le compte-rendu "presse" en une du site de l'UpM est laconique et absolument pas à la mesure des enjeux:
"Les Ministres des Affaires étrangères de l'UpM ont appelé à davantage d'efforts pour promouvoir l'intégration régionale et le développement durable. (...) Les Ministres des Affaires étrangères des Etats-Membres de l’Union pour la Méditerranée (UpM) ont souligné la nécessité de hiérarchiser les actions de l’UpM afin de concentrer les efforts pour l’année à venir sur l’environnement et le changement climatique, le commerce, la promotion de l’investissement, la création d’emplois et la coopération économique, y compris l’économie numérique et la connectivité des infrastructures."
et c’est tout ? … et on continue de mettre sur un même pied d'égalité "changement climatique et commerce, promotion de l'investissement..."
?
Non, le Secrétaire Général de l’UpM, Nasser Kamel, a conclu :
« Aucune nation ou communauté dans notre région ne dispose de ressources suffisantes pour faire face aux conséquences du changement climatique. Alignés sur les Objectifs de Développement Durable, nos efforts communs dans la prochaine décennie visent impérativement à faire face à cette question urgente qui va au-delà du changement climatique et implique de reconsidérer notre approche de la répartition des ressources, qui ne sont pas sans limites dans la région ».
Allez, Mesdames et Messieurs les ministres des Affaires étrangères, encore quelques efforts de compréhension du drame qui se prépare et dont on voit déjà les effets...
Peut-être attendent-ils la version finale du document qui devrait envisager des options d’adaptation?
LES RISQUES LIÉS AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET ENVIRONNEMENTAUX DANS LA RÉGION MÉDITERRANÉE
Une évaluation préliminaire par le réseau MedECC - L’interface science-décideurs - 2019
téléchargement ci-dessous
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